Fabien ZOCCO
O.O.O. (Objets Orientés Ontologie)
mars 2018

Fabien ZOCCO
O.O.O. (Objets Orientés Ontologie)

Commissariat 
Vincent Gobber
Exposition du 10 mars au 7 avril 2018
A l'occasion de cette exposition, Fabien Zocco s'est emparé de questionnements sur la dématérialisation, le virtuel, nos rapports aux nouvelles technologies, au travers de dispositifs numériques explorant ces divers champs.

L’artefact est la forme d’un désir particulier : nous débarrasser de notre réalité matérielle et nous accomplir en des formes de software flottant librement entre différentes incarnations. Ce désir, a priori, exclut toute transcendance. L’artefact est une pragmatique horizontale. Nous avons le sentiment légitime que c’est l’affaire d’une sensibilité d’ingénieur, expert dans l’art de la cybernétique – la science du gouvernement des choses.

Les machines de Fabien Zocco valident cette dimension du projet de la machine : il s’agit bien d’objets connectés. Des Black Box, une oreille connectée à une bouche parlante, un dialogue entre voix de synthèse, un flux de paroles généré parles chansons les plus téléchargées du moment.

Cependant, ces machines indiquent toutes un problème, comme un problème de communication, ou de communicabilité. Car manifestement, en dépit de l’efficace de ses connecteurs, l’artefact peine, voire échoue tout à fait à faire lien. Il y a comme un grain de sable que l’on pourrait aussi nommer un paramètre humain. Une plainte qui fait écho à notre angoisse toute humaine – et surtout pour nous, humains du XXIe siècle : au Moi solipsiste connecté à un réseau global, rien (ni Dieu, ni aucune transcendance) n’assure l’effectivité des liens. Nous pouvons glaner ça et là des morceaux de jouissances, comme écouter des chansons, expérimenter le couple ou s’adonner à la robotique : cette exposition pourrait être le lieu d’un tel divertissement. Cependant le problème du lien demeure.

La question que pose ces machines est donc la suivante : comment savons-nous que nous sommes en contact avec l’Autre ? Ainsi formulée, la question revient à prêter à l’artefact une subjectivité et, par-là même, une profondeur psychanalytique. Or, la psychanalyse est tragique : c’est une vision où tout acte se voit condamné à « mal tourner », à être mis en échec par l’imprévisible paramètre humain. L’incommunicabilité des âmes est l’une de ces tragédies et elle n’épargne pas les machines: une oreille qui parle, cela ne revient-il pas à « s’écouter parler » ? Que dire de la rencontre entre quatre Black Box, dont le principe repose précisément sur l’imprévisibilité de fonctionnement ?

L’artefact qui accède à l’Être rêve donc lui aussi d’une unité des liens. L’impossibilité de ces liens, c’est la plainte et la poésie qu’expriment ces Objets Orientés Ontologie.

Frédéric Montfort, 2018

Avec le soutien de Créacentre
Une interview de Fabien Zocco sur l'exposition a été publiée dans la revue Champs Culturels #29. Le fichier PDF est disponible ici.
www.fabienzocco.net