Poudre de caverne, exposition d’Elvia Teotski, à L’Assaut de la menuiserie du 10 septembre au 15 octobre 2022, © Cyrille Cauvet

Elvia Teotski
Poudre de caverne

Commissariat
Vincent Gobber / Isabelle Henrion

Exposition du 10 septembre au 15 octobre 2022
Biennale d’art de Lyon

Conçue en trois temps de résidence à Saint-Étienne, sur huit semaines d’avril à septembre 2022, l’exposition a reçu le soutien d’Artistes en résidence (Clermont-Ferrand).

Elvia Teotski installée à Marseille, développe une œuvre méthodique toujours liée aux composantes du territoire où s’inscrit le projet. Alors émerge de ses sculptures, vidéos, installations, un langage en mouvement, autoréférencé d’une exposition à l’autre, qui laisse paraître dans l’œuvre en cours les germes des suivantes.

Son diplôme d’Ingénieur agronome obtenu à Montpellier a déterminé en partie ses champs d’investigations. Elle expérimente les voies possibles avec des matériaux souvent organiques : gazon, algues, cendres, criquets, fruits séchés, coquilles d’huitre, pigments alimentaires, substrats pour la culture de champignons, etc. Selon le contexte de ses œuvres, elle s’improvise bouilleuse de cru, organise un chantier participatif, opère des fouilles dans le sol, ou s’empare de la maçonnerie terre crue, soulignant le lien établi par-delà les siècles entre notre présent et les pratiques ancestrales de l’humanité.

Elvia Teotski s’intéresse également aux « milieux affectés » par l’intervention humaine, découlant le plus souvent d’activités industrielles peu soucieuses de l’environnement. À travers son étude, elle met en évidence ces phénomènes et ces zones en mouvement, à l’artificialisation parfois forcée, quelquefois toxiques1.

À Saint-Étienne, elle se saisit de l’évolution de figures mémorielles du bassin houiller de la Loire : la transformation du crassier2 Saint-Pierre à La Ricamarie en carrière de schistes rouges ; le crassier de l’Épare dernière empreinte des puits Verpilleux où s’est produite en 1889 une catastrophe majeure ; les deux silhouettes coniques du puits Couriot classées au titre des monuments historiques en 2011, vingt ans après l’ouverture du Musée de la mine de Saint-Étienne.

L’imaginaire de l’artiste relie ces monticules de terre aux sites archéologiques précolombiens, huacas, pyramides et temples découverts lors de ses résidences au Mexique en 2019 puis en 2020. Entre ces lieux nimbés de superstitions, des mythes des trésors précolombiens au réalgar3, il n’y a qu’un pas comme le suggère le titre de l’exposition4. Dans la végétalisation des crassiers, plantations qui les stabilisent, l’artiste reconnaît cette « stratégie du recouvrement ». Récit d’une nature qui se substitue aux activées passées, similaire à la transformation d’anciennes décharges en parcs publics prestigieux, les Buttes Chaumont à Paris ou Fresh Kills sur l’île de Staten Island à New York.  

C’est ainsi qu’Elvia Teotski interroge la patrimonialisation à l’œuvre dans nos sociétés. Bien que cela soit perçu comme une préservation, ce processus mondialisé depuis les années 19705, inclut les monuments historiques et le paysage. Or ces zones ne cessent d’être en mouvement et leurs évolutions échappent aux volontés humaines. À l’image d’une espèce animale domestique retournée à l’état sauvage, la féralité décrit le retour spontané de la faune et la flore sur un biotope, sans intervention de l’homme, qui conserve toutefois les traces de son passé. Dans le cœur de ces crassiers en combustion lente, d’innombrables réactions chimiques se produisent, comme l’affirme si bien un ancien mineur à propos des crassiers : « Ça ne reste pas là, comme ça. Ça marche.6 »

— Vincent Gobber
Commissaire de l’exposition
Aout 2022

1. Sur la toxicité, voir en particulier son installation au Ballet National de Marseille Des canyons refermés, les collines se forment en 2020 et l’exposition Molusma à La Criée, centre d’art contemporain de Rennes en 2021. 
2. Colline formée par l’amoncèlement des déblais d’une mine, aussi nommé terril. 
3. Les crassiers en combustion donnent lieu à des cristallisations diverses : salmiac, soufre, etc. et celle du réalgar. 
4. Le mot réalgar viendrait de l’arabe « rhag al-ghar » : poudre de caverne.

5. La Convention du patrimoine mondial, culturel et naturel est adoptée par l’ONU en 1972.
6. François Cavanna, Les enfants de Germinal, 1993

Document à télécharger :
Livret de l’exposition

Lien : 
https://www.elviateotski.com/
reseau-dda.org
Liens partenaires:
Artistes en résidence
Biennale d’art de Lyon
Videoformes
Périodes de résidence :
no1, du 20 au 30 avril 2022
no2, du 30 juin au 10 juillet 2022
no3, du 22 août au 9 sept. 2022