du 31 octobre au 29 novembre 2014
Entreprendre une critique exhaustive de la nouvelle vie quotidienne ; où tout est à jeter. — Philippe Muray C’est un problème. — Honoré de Balzac
Le faux plafond est idéologique. Le Coca-Cola est idéologique. La chasse d’eau est idéologique. Tout le monde est idéologique. Si le paradis se trouve au-dessus du faux plafond, nous devons bien admettre qu’au dessous, ici-bas, c’est l’enfer.
Partant d’un constat si alarmant, la tâche de l’honnête homme est toute trouvée : gratter le verni de banalité qui recouvre le monstre de l’idéologie, sortir le quotidien de sa gangue de mensonge et de simulacre – et rendre la vie, en fin de compte, à son réel et à son étonnement perdu. Ajoutons : rendre la vie à notre intelligence.
En un mot, nous nous devons d’être critiques.
Mais que peut-t-on faire face à un réel dont le spectacle intégré ne laisse guère entrevoir ses coulisses, ses trappes secrètes, son envers de décor ? s’interroge, éventuellement, l’amer philosophe debordien.
Fred Pradeau, avec humilité mais énergie, nous suggère alors ceci : contre l’idéologie insaisissable, il nous reste la pesante matière. Ce qui en dernière instance résiste à l’intégration spectaculaire ou, autrement dit, la merde de notre système de production. De tous les produits : boissons, meubles en kit, images, images vidéo, biscottes, images de biscottes, tout est susceptible de passer par cette forge infernale où le quotidien passe sous le marteau brûlant et acerbe de l’artiste. Forge de laquelle s’échappe, n’en doutons pas, un ricanement démoniaque.
Né de la révolte et de la colère, son travail prend les formes et les tons de l’efficace critique : humour, détournement, ironie, sarcasme. Une distillerie de Coca-Cola ou la performance consistant à monter un meuble IKEA ont quelque chose de potache. Risible même : car loin d’être une insuffisance rhétorique, le risible est ici une arme.
Nous assistons à la vivisection hilare et warholienne d’une everyday life moderne que l’on pensait alors paisible ou, à la rigueur, assez également monotone. Tel un faux plafond.
Or, Fred Pradeau, nous commençons à le comprendre, remet dans notre arène en bois aggloméré l’idée oubliée mais coriace d’aliénation – et par conséquent son pendant logique : l’émancipation. Sa dialectique provocante du détournement invite en effet à nous affranchir de nos désirs collectifs stériles.
La générosité de l’art pop procède d’un dispositif critique de combat qui est un art du risible : à l’excès caricatural du capitalisme spectaculaire, Fred Pradeau répond par l’excès potache et gargantuesque de la caricature.
En définitive, le travail de l’artiste ne fait que mettre en évidence le caractère caricatural de notre monde présent. Coup pour coup : telle est la réponse.